L'édition Française vit à crédit

Il y a quelque temps, j'avais eu une conversation passionnante avec l'ancien éditeur des éditions Prat. Il me racontait comment fonctionnait l'édition en France, et comment ce système faisait vivre les maisons d'éditions à crédit.

Lorsque vous éditez un livre, c'est le libraire qui l'achète dans un premier temps, et non le lecteur. Il se remboursera ensuite sur les ventes. Bien sûr, il y a toujours des invendus, et ceux-ci sont retournés à l'éditeur. Ce même éditeur aura un an pour rembourser le libraire (à compter de la date de retour des invendus, je crois).

Cela implique un gros effet pervers : plus vous éditez de livres, plus la dette potentielle que vous avez contractée auprès des libraires est importante.

Une solution est d'éditer encore plus de livres l'année suivante. Exemple, vous éditez 5 bouquins à 10000 exemplaires (soit 50000 exemplaires) en 2007 et estimez le retour (les invendus) à 25000 (50%). Il suffit d'éditer 10 bouquins à 7500 exemplaires (soit 750000 exemplaires) l'année suivante. Les libraires vous achètent ces 750000 nouveaux livres et avec l'argent récolté vous les remboursez des 25000 invendus de 2007.

Vous avez de nouveaux de la trésorerie, et un report de dette d'un an (jusqu'au retour des nouveaux invendus). Chaque année, vous faites ainsi la culbute.

Évidemment, à moins de best-seller, un jour, votre dette reportée est si importante que vous mettez la clé sous la porte.

Cela explique en partie pourquoi il y a tant de livres en France. Même si vous êtes certain qu'un bouquin se vendra mal, la tentation est grande de l'éditer afin de rembourser les libraires. Bien sûr, mon exemple est caricatural : si votre bouquin est nul, les libraires ne vont pas le prendre !

Ce système induit deux autres choses :
- Les libraires sont obligés de posséder une trésorerie importante.
- Les commerciaux des éditeurs, qui vendent vos livres aux libraires, sont d’une importance capitale : s'ils ne croient pas à un projet, ils ne le porteront pas, et vous pouvez considérer le projet comme foutu. Du coup, le premier client pour un éditeur, c'est le commercial.

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